
J’ai toujours aimé cuisiner, réunir toutes les petites choses qui traînent dans mon réfrigérateur et placards de cuisine, évaluer leurs combinaisons, leurs compatibilités aromatiques, leurs contradictions gustatives, refouler certains candidats puis finalement assembler et marier les heureux sélectionnés.
Le résultat n’a pas toujours été extraordinaire mais au fil des années, les associations que je tente sont de plus en plus pertinentes et ambitieuses ; une partie de moi connait les matériaux à rapprocher ou éloigner et sait comment les stimuler. Mon chef de cuisine inconscient simule les associations, explore les possibilités et expérimente les nouvelles textures et saveurs imaginaires ainsi créées, pour en définitive, ne retenir que les meilleures réalisations.
Ce cheminement créatif, aussi modeste et perfectible soit-il, fonctionne correctement et peut se manifester à d’autres occasions car il a pu être dupliqué et gagner en horizontalité. Quand une capacité est jugée satisfaisante et “fait le job”, notre cerveau se fait souvent une joie de la généraliser, de l’adapter à d’autres situations, à l’image d’un copier/coller cognitif.
Déclarer que je mène une séance d’hypnose comme un moment de cuisine serait simpliste et caricatural mais certains automatismes sont indéniablement partagés par les deux disciplines, du moins en ce qui me concerne…
Construire les bons leviers, les bons mots, la bonne prosodie, en partant de ce que j’ai à ma disposition, en triant ce que mon consultant veut bien me livrer via ses phrases et sa gestuelle, eux même alimentés par les questions que je lui pose… Avouez que la comparaison n’est pas totalement hors sujet.
Et puis il arrive que la mayonnaise ne prenne pas.
La recette est connue et maîtrisée, les ingrédients sont là, les méthodes prêtes à être déroulées mais la progression est laborieuse jusqu’à aboutir à quelque chose de fade, sans arôme. Je peux toujours décider de rattraper le truc, corriger deux trois éléments, mais en général il n’y a pas de miracle. Les fondations sont bancales, le résultat final l’est tout aussi.
Et puis parfois la mayonnaise ratée plaît.
L’expérience vécue de l’intérieur par mon consultant est radicalement différente de celle que j’expérimente depuis mon fauteuil de praticien. La recette improvisée contente largement mon partenaire qui peut me dépeindre des saveurs auxquelles je ne suis pas du tout sensible, qui pourtant existent et génèrent des émotions.
Ne condamnez pas trop vite votre mayonnaise et ne vous acharnez pas à vouloir prématurément la rattraper ; qu’elle soit traditionnelle ou originale, ce n’est pas vous qui la dégustez ni vous qui maîtrisez le plat qu’elle accompagne… Lâchez prise au moins autant que votre partenaire, l’expérience n’en sera que plus belle.