J’ai publié un retour d’expérience sur un groupe FB dédié à l’hypnose. Ce texte a si bien été accueilli que je décide de le publier sur ce blog.

Je vous le livre ici tel quel.

Bonjour à tous,
je n’ai pas pour habitude de poster dans ce groupe, faute d’opportunité.
Certains de vos témoignages de séances m’ont touché et je ressens parfois une forme de culpabilité de ne pas livrer certaines de mes expériences…
Je prends donc un peu de temps aujourd’hui car une occasion s’est présentée, une séance que j’aimerais vous décrire, partager avec vous, du mieux que je peux.
Même si je sais que les mots sont souvent dérisoires en comparaison de nos ressentis…

Je précise que ma pratique de l’hypnose est plutôt pragmatique et bien que j’utilise volontiers les croyances de mes consultants, toutes ésotériques qu’elles soient, je ne suis pas un grand fan des approches comme celles qui exploitent, autrement que symboliquement, les états de mort imminente ou les énergies subtiles non mesurables…

Il y a un petit mois je reçois pour la première fois en consultation un homme, nommons-le Eric, une trentaine d’année, qui souhaite “faire le point et trouver des réponses”.
Eric a été orienté vers moi par une connaissance commune, n’a pas de croyance particulière, pas de médication et ne connait pas l’hypnose.
Cette première séance se passe “tranquillement” : après une brève récolte d’information et quelques recadrages, je livre mes croyances et mes façons de faire dans un pretalk plus que rôdé ; s’ensuivent quelques petits exercices préliminaires et une première induction formelle, je pars alors sur une séance essentiellement basée sur une négociation entre parties inconscientes.

Mon consultant garde les yeux ouverts pendant toute la séance et nos échanges verbaux semi-conscients sont aussi fluides que les signalings mis en place.
Les réponses inconscientes sont riches, surprenantes, intelligentes, et je suis intérieurement très satisfait de la tournure que prend la séance.
La transe est d’une telle qualité (du moins c’est ce que j’évalue) que je pense même à basculer sur une communication verbale inconsciente… Mais j’abandonne cette idée car l’horloge tourne et je dois conclure rapidement.

Cette première séance se termine donc et puis après quelques suggestions et prescriptions post-hypnotiques, un rendez-vous est pris, 15 jours plus tard.

Les 15 jours s’écoulent et le jour du deuxième rendez-vous arrive. Eric est à l’heure et se présente à la porte de mon cabinet à 8 heures du matin. Il m’explique tout un tas de choses très intéressantes par rapport à ses ressentis, ses rêves… Des nouvelles connexions se sont mises en place, cette première séance a visiblement initié un bon processus de changement, c’est parfait !

Eric finit par compléter son débriefing en me parlant d’un rêve qu’il a fait quelques jours auparavant. Un rêve qui met en scène un personnage inconnu lui suggérant de parler à son grand-père, le père de sa maman, décédé alors qu’il avait une vingtaine d’année.
Je lui demande quelques précisions et il m’explique qu’il était très proche de son grand-père jusqu’à ses 15 ans mais a cessé de le voir dès lors que sa mère s’est brouillée avec. La mère se brouille avec son père et les petits-enfants ne voient plus leur grand-père, malheureusement assez classique…

Au travers de ce récit, Eric me livre sans détour son envie de discuter avec son grand-père décédé, au travers d’une session d’hypnose.

Les éclats dans ses yeux sont tellement brillants que je renonce à rejeter sa demande. Peut-être que je projette (j’étais moi-même très proche de mon grand-père) mais tant pis, je décide d’y aller, en prenant quelques minutes pour recadrer sa requête.
Je lui parle de paramnésie, de symboles inconscients, de réalité subjective… Je veux qu’il vive cette future expérience au mieux, tout en gardant une certaine distance de sécurité.

Je vous épargne le cheminement détaillé de cette régression car j’y ai consacré un peu de temps, beaucoup plus que prévu ; plusieurs étapes intermédiaires ont été nécessaires avant que l’inconscient d’Eric ne se positionne au bon âge, au bon endroit…

Eric revit donc un instant de son passé, il a à peu près 15 ans, il se promène silencieusement en forêt avec son grand-père, le temps est magnifique, le printemps pointe le bout de son nez, la végétation et le panorama sont superbes. L’environnement et les sensations qu’Eric me décrit fourmillent de détails.
Je lui suggère alors de marquer une pause afin de se rapprocher de son grand-père, peut-être lui poser des questions. Une appréhension évidente est là, Eric retarde volontairement l’instant à partir duquel il s’adressera directement à son grand-père.

Eric me communique les questions qu’il a posées à son grand-père, j’ai du mal à tout saisir car l’émotion trouble sa diction. Je laisse naitre plusieurs longs silences avant d’interroger de nouveau mon consultant :

– OK Eric, tu te débrouilles vraiment super bien, tu peux être fier de toi. Dis-moi, est-ce que ton grand-père a répondu à tes questions ?

C’est à ce moment que les choses ont commencé à déraper pour moi…

Je suis d’accord que bien des fois, le praticien expérimente une forme de transe en même temps que son consultant. Cette transe miroir est néanmoins, de par mon expérience, extrêmement contrôlable, tout comme peut l’être un rêve lucide…

Après plusieurs minutes de silence (de mon ressenti), Eric finit par me dire, d’une voix d’adulte, claire et limpide :

– Vous savez, votre grand-père pense beaucoup à vous.

Le visage d’Eric se tourne légèrement vers moi, mais pas complètement.
Eric continue :

– JE pense beaucoup à toi et JE veille sur toi.

En même temps que mon cerveau analyse cette dernière phrase, je vois (littéralement), mon propre grand-père, assis en face de moi, à la place de mon consultant…

Gros coup de flip intérieur, je ressens mes pieds collés au sol et des embryons de larmes grossir sous mes paupières. Atonie musculaire au niveau des mes jambes et de mes bras.

Je pense à l’exorciste, à Yoda, je ris nerveusement, intérieurement.
Mes yeux cherchent une parcelle de réalité pour s’y s’accrocher mais reviennent systématiquement sur mon consultant-grand-père, paisiblement installé en face de moi…

Mon rythme cardiaque se calme un peu et je renonce à vouloir bouger mes jambes ou mes bras. Je décide de procéder à une inspection visuelle très détaillée de cet homme en face de moi et je suis ébahi par le réalisme de ce que mon cerveau me propose.

Je serais incapable de vous dire combien de temps je suis resté dans cet état, ensuqué dans mon hallucination, ignorant mon consultant.

C’est un bruit extérieur, le craquement de mon radiateur, qui a mis fin à cette expérience. Eric s’est de nouveau retrouvé en face de moi, un sourire béat aux lèvres, visiblement très confortable dans sa transe.

J’ai mis fin à cette session immédiatement après avoir retrouvé l’usage des mes bras et de mes jambes. Je n’ai pas pour habitude de faire un débriefing de séance immédiatement après celle-ci et j’ai donc procédé comme d’habitude, “comme si de rien était” (lâchement ?).
Eric m’a tout de même brièvement décrit un beau voyage et une belle reconnexion avec son grand-père.

Quant à moi, je n’ai pas encore pris le temps de me poser pour réfléchir sérieusement à tout cela (est-ce bien utile finalement ?). Je suis agnostique et athée, plutôt d’orientation fonctionnaliste et cette expérience ne me démontre rien, sinon que les processus cognitifs sont complexes, surprenants et imprévisibles 🙂 Et c’est vachement cool non ?